ARCHITECTURES
TOUTE L’AMBIGUÏTE DU NOIR
par Gérard-Georges Lemaire
Des piliers, des chapiteaux, des voûtes, des couloirs déserts et silencieux absorbés par la pénombre révèlent des rais de lumière froide qui filtrent par de minces ouvertures. Aucun détail, aucun ornement révélateur, pas la plus petite marque distinctive ne peut fournir un indice probant. Toute présence humaine en a été effacée. C’est vraisemblablement une vision qui se situerait entre la métaphysique de Giorgio de Chirico et les paysages urbains suintant de nostalgie de Mario Sironi. Peut-être que le peintre a voulu se rapprocher de cet espace dans son intemporalité, son ubiquité (on ne sait trop s’il a été arraché à une quelconque réalité ou si ce serait tout bonnement un avatar de l’imaginaire) la solidité supposé de l’édifice représenté contraste avec force avec la nature insaisissable de sa mise en scène. Car il s’agit bien d’un décor, n’est-ce pas ? Quand bien même ce décor serait purement mental, il n’en a pas moins un caractère théâtral. Mais à quel théâtre a-t-on affaire ? Je le vois comme une reproduction improbable, réalisée pour notre époque, du théâtre de la mémoire de l’âge maniériste, qui serait montée entre le chien et le loup de la raison qui s’interroge sur elle-même et se retrouve en plein cœur du labyrinthe incertain de sa nuit. Et la nuit est ici une dimension primordiale.