BOLS
Posés sur une table ou sur un meuble, tous ces bols auraient pu servir à composer une nature morte, à l’instar de ces bouteilles et de ces vases qui ont hanté les huiles de Giorgio Morandi. Mais tels qu’ils se délivrent, suspendus dans l’infini ou, plus précisément, dans un espace indéfini - un espace sans qualités et pourtant d’un noir si intense, si profond, si attachant une idée métamorphosée en une seule couleur, les objets qu’on y rencontre sont à leur tour frappés d’irréalité. Ils n’existent que dans et par cet espace grâce à l’artifice de leur lévitation silencieuse.
Parfaites, ces hémisphères n’en sont pas moins frappées par une maladie insidieuse. rongées par les ombres. Elles sont menacées par cette rouille sidérale qui met à mal leur essence.Si elles sont identiques, elles ne sont visibles que par le truchement d’une lumière pâle dont on ignore la source. Ce que cette lumière découvre, c’est à la fois la perfection sans tâche de leur forme et la dangereuse incidence de l’ombre qui la corrode – tout cela dans le strict arbitraire de ces contrastes.
Que peuvent bien signifier ces choses qui n’en sont pas ? Elles appartiennent à une cosmologie qui ne peut faire reposer sa cause que sur le néant ou sur un artifice. Si artifice il y a! Il instaurerait une apparence des objets répartis dans les trois dimensions selon une perspective imaginaire. En sorte que le doute s’insinue dans nos esprits.